868[Extract from the
"Moniteur universel"with Joseph Lakanal's report on the French Copyright Act]
[Middle column]
[...]
Lakanal. Of all properties, the most incontestable, the one
whose increase is in no way injurious to Republican equality and
which gives no offence to liberty, is undeniably the property of
works of genius ; it is if anything surprising that it should have
proved necessary to recognize this property and to secure its free
exercise by a positive law, and that a great Revolution like ours
should have been required to return us, in this as in so many other
matters, to the simplest elements of common justice.
Genius fashions in silence a work which pushes back the boundaries
of human knowledge: instantly, literary pirates seize it, and the
author must pass into immortality only through the horrors of poverty.
Ah! What of his children...? Citizens, the lineage of the great
Corneille sputtered out in indigence!
Since printing is the only means whereby the author may make
useful exercise of his property, the fact of being printed alone cannot
make an author’s works public property, at least not in the way that
the literary buccaneers understand; for if it were so, it follows that
the author would be unable to make use of his property without losing
it in the same moment.
What a cruel fate for a man of genius, who has dedicated his
waking hours to the instruction of his fellow citizens, to receive
only a sterile glory, and to be unable to claim the legitimate reward
of such noble labour.
It is after careful deliberation that this Committee advises you
to create dedicated legislative provisions which will form, in a sense,
the Declaration of the Rights of Genius.
[...]
868[2. col.]
[...]
Lakanal. De toutes les propriétés, la moins sus-
ceptible de contestation, celle dont l'accroissement
ne peut ni blesser l'égalité républicaine, ni donner
d'ombrage à la liberté, c'est sans contredit celle des
productions du génie; et si quelque chose doit éton-
ner, c'est qu'il ait fallu reconnaître cette propriété,
assurer son libre exercice par une loi positive; c'est
qu'une aussi grande révolution que la nôtre ait été
nécessaire pour nous ramener sur ce point, comme
sur tant d'autres, aux simples éléments de la justice
la plus commune.
Le génie a-t-il ordonné, dans le silence, un ou-
vrage qui recule les bornes des connaissances hu-
maines: des pirates littéraires s'en emparent aussi-
tôt, et l'auteur ne marche à l'immortalité qu'à travers
les horreurs de la misère. Eh! ses enfants! ……. Ci-
toyens, la postérité du grand Corneille s'est éteinte dans
l'indigence!...
L'impression peut d'autant moins faire des pro-
ductions d'un écrivain une propriété publique,
dans le sens où les corsaires littéraires l'entendent,
que l'exercice utile de la propriété de l'auteur ne
pouvant se faire que par ce moyen, il s'ensuivrait
qu'il ne pourrait en user, sans la perdre à l'instant
même.
Par quelle fatalité faudrait-il que l'homme de
génie, qui consacre ses veilles à l'instruction de ses
concitoyens, n'eût à se promettre qu'une gloire stérile,
et ne pût revendiquer le tribut légitime d'un si
noble travail.
C’est après une délibération réfléchie que votre
Comité vous propose de consacrer des dispositions
Législatives qui forment, en quelque sorte, la décla-
ration des droits du génie.
Le rapporteur lit un projet de décret qui est
adopté en ces termes :
Décret sur la propriété des ouvrages publiés par la
voie de la presse ou de la gravure, &c. La Convention nationale, ouï le rapport de son
Comité d’instruction publique, décrète ce qui
suit:
Art. Ier. Les auteurs d’écrits en tout genre, les
compositeurs de musique, les peintres et dessina-
teurs qui feront graver des tableaux ou dessins,
jouiront, durant leur vie entière, du droit exclusif
de vendre, faire vendre, distribuer leurs ouvrages
dans le territoire de la République, et d’en céder la
propriété en tout ou en partie.
II. Leurs héritiers ou cessionnaires jouiront du même
droit durant l’espace de dix ans, après la mort des
auteurs.
III. Les officiers de paix seront tenus de faire confis-
quer, à la réquisition et au profit des auteurs, compo-
[3. col.]
siteurs, peintres ou dessinateurs et autres, leurs héri-
tiers ou cessionnaires, tous les exemplaires des éditions
imprimées ou gravées, sans la permission formelle et
par écrit des auteurs.
IV. Tout contrefacteur sera tenu de payer, au
véritable propriétaire, une somme équivalente au
prix de trois mille exemplaires de l’édition
originale.
V. Tout débitant d’édition contrefaite, s’il n’est pas
reconnu contrefacteur, sera tenu de payer au véritable
propriétaire, une somme équivalente au prix de 500
exemplaires de l’édition originale.
[...]
_________________________________________________
DE L’IMPRIMERIE DU MONITEUR, rue des Poitevins, n. 18.